Épilogue

Dans la cité d'argent, les travaux de restauration ont bien avancé. La guerre a calmé les esprits de chacun si bien que mutants et non-mutants avancent désormais main dans la main pour reconstruire la cité et se préparer au monde de demain. Grâce au soutien d'Aldan, quasiment toutes les tourelles sont de nouveau opérationnelles. Le centre de production de carburant est désormais en marche. Il y en aura bientôt suffisamment pour faire rouler le bus. Il a donc été décidé que deux hommes d'Aldan accompagneraient Tollen et Toba pour secourir le peuple aux yeux de lumière pendant que les trois derniers soldats, ainsi que Stesara et tous les autres, resteraient à Eden.

Alors que Tollen emplit le bus de provisions, le commandant Rubston lance un appel : tout le groupe se réunit dans le centre de communication. 

— On a détecté une explosion nucléaire, annonce le commandant.

— Hélène a réussi ! se réjouit Tollen.

— Où a-t-elle eu lieue ? demande Richan.

Le commandant envoie les coordonnées au scientifique qui regarde de suite sur une carte.

— C'est pas possible, s'étonne Richan.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Stesara.

— Les coordonnées, explique Richan, c'est Queen City !

— Il doit y avoir une erreur, dit Tollen. Hélène n'aurait pas fait feu dans la capitale.

— Je ne fais pas d'erreur, ajoute le commandant.

— Si c'est bien vrai, dit Richan, alors la capitale et ses habitants n'existent plus.

— Je ne peux pas y croire, s'irrite Tollen. Dès demain, je pars vers une usine proche de la capitale. Je m'arrêterai à proximité pour en avoir le cœur net.

— Vous ne pouvez pas, dit le commandant. Vous serez irradié.

— Depuis l'usine, tu sauras si c'est vrai, dit Richan. Ils sont en contact avec le palais.

— Très bien ! Je me renseignerai là-bas.

Comme prévu, dès le lendemain matin, Tollen, Toba et deux soldats d'élite s’éloignent en bus en direction d'une première usine. Ils ne leur faut que la matinée pour arriver à destination : une usine de production de charbon. Dès leur arrivée, ils entendent une sirène retentir. Il semble que ce soit un désordre total à l'intérieur. Le groupe ne rencontre aucune résistance ; aucun garde ne leur barre la route ; ils rentrent alors sans embûche. Tollen arrête un ouvrier :

— Que se passe-t-il ici ? demande-t-il.

— L'usine ferme, répond l'ouvrier.

— Pourquoi ça ?

— Vous n'êtes pas au courant ? s'étonne l'ouvrier. Il n'y a plus de roi, plus de capitale, plus de royaume.

Tollen se rend à l'évidence. Le commandant Rubston a raison. Il en perd ses mots.

— Y a-t-il des ouvriers qui ne travaillent que la nuit ? demande Toba.

— Ceux qui ont des lampes à la place des yeux. Ils doivent être au dortoir du sous-sol. Ils ne peuvent pas sortir la journée.

Le groupe se rend donc aux dortoirs où se trouvent une cinquantaine de villageois de la montagne. Personne ne dort. Ils sont bien trop angoissés par les derniers évènements. Leur surprise devient totale quand ils voient Toba et Tollen. Ils prennent dans leur bras leurs amis et les interrogent :

— On ne pensait pas vous revoir, dit un villageois.

— Nous sommes venus vous libérer, dit Tollen. On va vous emmener en lieu sûr. Pous irons récupérer un autre groupe dans une autre usine.

— Mais il fait jour ? Comment pourrions-nous sortir ?

— Nous vous avons fabriqué des lunettes de soleil, explique Toba. Avec ça vous n'aurez plus rien à craindre. Regardez, nous en portons aussi.

Le groupe monte dans le bus et retourne vers Eden. Ils arrivent en fin de journée et sont accueillis par Stesara qui va les conduire dans une immeuble où les volets peuvent être fermés.

— Stesara, s'étonne une villageoise, nous sommes heureux que tu sois saine et sauve.

— Merci, répond la jeune fille. Vous verrez, vous serez bien ici.

— Vous êtes sûrs que nous y serons en sécurité ? demande un autre.

— Oui, répond Tollen. Vous serez mieux ici que dans notre montagne. Quand nous aurons terminé de récupérer nos amis, nous pourrons y retourner.

— Après le massacre qu'il y a eu, répond un villageois, je ne sais pas si c'est une bonne idée.

— Tout a été saccagé, continue Toba. Le bétail a même été emporté.

— Nous y retournerons au moins pour récupérer nos affaires personnelles, continue Tollen.

— Savez-vous où sont les autres ? Demande Stesara.

— Nous avons été séparés en cinq groupes, répond un autre villageois. Les autres doivent être aussi dans des usines.

— Nous repartirons demain matin, dit Tollen. Richan a justement répertorié cinq établissements qui nécessitent beaucoup de main-d'œuvre. Ce serait logique qu'ils y soient.

— Merci pour tout, Tollen, répond une villageoise, en serrant la main de Tollen.

Le lendemain matin, alors que Tollen s'apprête à repartir, une visite l'attend devant les portes d'Eden : il s'agit d'Hélène. Tollen se précipite à sa rencontre.

— Tollen, dit la vagabonde, je suis contente de te retrouver.

Alors qu'elle s’approche de Tollen pour le prendre dans ses bras, celui-ci recule.

— Tu n'es pas morte à ce que je vois. Que s'est-il passé à la capitale ? demande-t-il.

— Sylbras ne s'est pas laissé faire. Jai dû le tuer sur place. Hélas, l'explosion n'a pas été suffisante pour me tuer.

— Mais tu as tué tous les habitants de Queen City !

— Qu'est-ce que ça peut bien faire ? demande Hélène. Tous allaient mourir un jour ou l'autre de toute façon, contrairement à moi.

— Alors c'est ça ! La vie des autres ne comptent pas, du point de vue d'une immortelle ?

— Ils ont la chance de pouvoir mourir, eux.

— Si Stesara et moi avions été à la capitale, aurais-tu tiré ?

Un long silence avant de reprendre :

— Tu ne sais pas ce que ça fait de vivre mille ans.

— Non, je ne sais pas et je ne le saurais jamais. Mais quel que soit le mal que ça t'apporte, ça ne t'autorise pas à prendre la vie de centaines de milliers de personnes.

— Oublions ça, tu veux ?

— Non, tu devrais repartir. Tu n'es plus la bienvenue ici.

— Quoi ? Tu es sérieux ? Tu oublies les moments qu'on a passés ensemble ?

— Ces moments, je les ai partagés avec une autre Hélène. Celle-là m'a fait ses adieux avant de partir pour la capitale.

Tollen se retourne et rentre à Eden. Il ne peut s'empêcher de laisser couler ses larmes. Hélène est furieuse et fait également demi-tour. Une fois à distance de la cité autonome, Hélène éclate en sanglots.

Les jours passent. Les expéditions de Tollen pour récupérer ses amis touchent à leur fin. Il parvient à réunir tous les survivants de son village. Avec quelques-uns, il rentre dans la montagne déménager leurs affaires. 

Tout le monde s'installe à Eden qui grandit de jour en jour. Les débris de l'ancienne cité sont utilisés pour créer de nouveaux habitats. De nombreuses terres agricoles prennent forme autour du village. Quand Eden est en capacité d'accueillir plus de monde, des expéditions en bus sont lancées pour récupérer de nouveaux réfugiés. Un peu comme l'avait fait Danfrea à l'époque avec Queen City. Eden est en passe de devenir la nouvelle capitale : il n'y a plus aucune distinction entre mutants et non-mutants.

Plus loin, dans des terres arides, Hélène, la vagabonde, voyage avec une nouvelle idée en tête : se rendre sur la Lune pour utiliser le canon d'antimatière et se tuer avec.