Les Vampires

Au petit matin, Hélène se rend dans un bar des bas fonds de la capitale pour interroger le gérant.

— Qu'est-ce que je vous sers, ma petite dame ? demande le barman.

— Rien, dit Hélène pressée. Je cherche l'humaine qui s'est enfuie du Palais avant-hier soir.

— L'humaine ? Vous travaillez pour la Reine ?

— Non.

— Alors pourquoi vous la cherchez ?

— Bon écoute, mon vieux, s'impatiente Hélène, depuis hier, je fais le tour des bars les plus miteux de cette ville. Donc soit tu sais quelque chose soit je demande ailleurs.

— Qu'est-ce que je gagne à t'aider ?

— Tu veux quoi ?

Le serveur approche sa main de celle de Hélène posée sur le comptoir. Ses intentions sont de suite évidentes. Hélène laisse paraître un léger sourire. Ni une ni deux, elle sort sa lame et la plante dans la main du gérant qui crie de douleur.

— Salope ! Enlève ça de suite !

— Que sais-tu ? insiste Hélène.

— Un type du clan des vampires s'est vanté hier d'avoir mis la main sur une jeune humaine. Je sais pas si c'est la même. Mais les humains, ça court pas les rues dans cette ville.

— Où je peux trouver ce type ?

— Il vient tous les matins boire un verre ici.

— Bien, dit Hélène en retirant son sabre. Je vais l'attendre alors. Sers-moi un truc en attendant.

Le barman récupère sa main ensanglantée et couvre de suite la plaie avec un torchon avant de servir Hélène.

— Pourquoi ce nom de clan ? demande Hélène. C'est ridicule.

— Les vampires sont une légende de l'ancien monde, explique le barman, c'est ...

— Je sais ce que c'est un vampire, le coupe Hélène. Pourquoi ils ont choisis ce nom ?

— Tous les membres de ce clan ont les canines allongées.

Pendant qu’Hélène boit doucement son verre, un groupe d'hommes s'accoudent au comptoir à côté d'elle. Ils discutent entre eux :

— Encore une nuit difficile pour la Reine, rit l'un deux.

— Pourquoi ça ? demande un autre. Un humain s'est encore échappé ?

— Non, c'est les terroristes du Nouvel Ordre. Ils ont fait péter un camp d'entraînement de soldats.

— Putain, jure un autre. Rien ne les arrête, ceux-là.

— La mise à prix de la tête de leur chef a encore augmenté. Ils ont même recruté un nouveau type.

— Ah oui ! Je l'ai vu. Celui qui a des torches à la place des yeux ?

Hélène, qui n'écoutait que d'une oreille, choisit ce moment pour l’interpeller. Elle demande au barman :

— Allume ta télé, veux-tu ?

— Non, ils y passent que de la propagande pour Venea.

— Je veux voir la tête des gens mis à prix.

— T'es chasseuse de primes ?

— Allume ou je te transperce l'autre main.

Le gérant s’exécute et allume son écran. Plusieurs têtes y défilent : il y a d'abord des primes ridicules pour ceux qui ont juste insulté la Reine ; ensuite, viennent les voleurs et les assassins ; enfin, le haut du panier, les plus hautes primes pour les militants connus du Nouvel Ordre : Richan, traître au royaume, sa prime s'élève à mille unités. Une voleuse au service du Nouvel Ordre, sa prime est de mille trois cents unités - Phia en fait mais le royaume ne connaît pas son nom- . Iric, ancien soldat déserteur, sa prime se monte à mille six cents unités. Celle-ci est annulée puisqu'il est mort. Le nouveau membre, sa prime est également de mille six cents unités. Hélène le reconnaît de suite : il s'agit de Tollen. Sa photo a été prise lors de l'attaque de la fabrique. Enfin, le leader du Nouvel Ordre, Sylbras, sa prime est la plus élevée : trois mille unités. Quatre mille, s'il est ramené vivant.

L'unité est la monnaie du Royaume. Pour donner un ordre d'idées, le salaire moyen d'un citoyen de la capitale s'élève à neuf unités par mois. Le verre qu'a commandé Hélène est par exemple de quatre centimes d'unités.

Alors qu’Hélène a les yeux rivés sur l'écran, un homme entre et commande au barman un verre de gnôle. Le serveur fait signe du regard à Hélène qu'il s'agit de celui qu'elle recherche. Hélène aborde alors l'homme.

— T'es un vampire ? demande Hélène.

— Eh oui, poupée, dit-il, en arborant fièrement ses canines.

Hélène, de son regard le plus provocateur et en se mordillant les lèvres, ajoute :

— On peut se parler seul à seul ?

Elle se lève et quitte le bar. Le vampire, tout excité, boit d'une traite son verre et va la rejoindre. Elle l'attend dans une rue déserte, à l'arrière.

— T'es directe, toi, dit le vampire. J'aime ça.

Hélène fait mine de s'approcher pour l'embrasser. Puis, au dernier moment, elle le menace de son sabre sous la gorge.

— Allons, allons ! s'exclame le vampire. Calme-toi.

— L'humaine qui s'est évadée du Palais l'autre nuit, où est-elle ?

— Quoi ? C'est pour elle que tu m'agresses. C'est qu'une humaine. Qu'est-ce qu'on en a à foutre ?

Hélène appuie un peu plus sous la gorge du brigand.

— Ok, ok ! Je l'ai amenée dans notre repaire.

— Je te suis.

La vagabonde retire son sabre et pousse le vampire en direction de son repaire. Quelques minutes plus tard, les voilà devant l'entrée d'un immeuble en ruine.

— Si tu aimes te faire sucer le sang, plaisante-t-il, fallait le dire.

Hélène tranche la gorge du vampire qui s'effondre de suite à terre. Il ne lui reste plus qu'à entrer dans le repaire du clan et trouver Stesara.

Dans le hall, trois autres vampires discutent entre eux. Quand ils voient Hélène, ils s'avancent de suite vers elle. Avant même qu'ils aient le temps de demander à la belle inconnue son nom, Hélène les découpe aussi vite que le vent. Elle se rend à l'étage supérieur par les escaliers. En haut, un groupe plus important se tient devant elle.

— Salut, les loubards, dit Hélène. Je cherche l'humaine. Où est-elle ?

— Dans notre garde-manger, répond celui qui semble être le chef. Avec les autres. Tu vas bientôt les rejoindre.

— Vous voulez la bouffer ?

— Seulement lui sucer le sang. Nous sommes des vampires. Et je suis Dracul, le chef de ce clan.

— Dracula, tu veux dire ?

— Pardon ?

— Laisse tomber. Et donc vous n'aimez ni l'ail ni le soleil ?

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Mon dieu, dit Hélène dépitée. Vous ne savez même pas ce qu'est un vampire...

— Fais la maline, vas-y, dit Dracul. Regarde plutôt ça.

Il désigne une affiche accrochée au mur, d'un film de l'ancien monde « Dracula le vampire ». On y voit un homme aux longues canines boire au cou le sang d'une jeune femme. Bien que l'affiche soit plastifiée, de la moisissure masque une partie du titre de telle sorte que le « A » a disparu.

— Incroyable, dit Hélène. Comment avez-vous trouvé une affiche aussi intacte après tout ce temps ? Et alors quoi, ce type sur l'affiche est votre modèle ? Votre Dieu ?

Hélène se met à exploser de rire.

— Pourquoi ries-tu ?

— Vous n'avez visiblement pas vu le film, explique Hélène. Donc, Dracul, tu t'es mis en tête de retrouver tous les gens qui avaient la même mutation que toi ? Et tu t'es dit que boire du sang était ton destin ?

— Assez parler ! Tuez-la ! ordonne-t-il à ses hommes.

Le combat débute. Hélène tranche dans le tas et fait de nombreuses victimes. Mais elle prend aussi beaucoup de coups. L’un d’entre eux a même réussi à lui agripper le cou et a commencé à pomper son sang. Hélène devient folle de rage et plante sa lame dans la tête de la sangsue. Dracul attrape une hache et frappe de toutes ses forces dans le dos de la vagabonde qui tombe au sol.

— C'est bon, dit Dracul en reprenant son souffle. On a tué cette démone. Buvons son sang tant qu'il est chaud !

Dracul s'agenouille près du corps d'Hélène et saisit son visage. La jeune femme ouvre alors les yeux et mord la joue de Dracul qui crie de douleur et recule. Hélène se lève, la hache dans le dos et un bout de joue dans la bouche qu'elle recrache au sol.

— C'est dégueulasse, dit-elle. Je sais pas comment vous pouvez aimer le sang.

La voilà maintenant armée d'un sabre brisé dans la main droite et de la hache qu’elle a retiré de sa main gauche dans l'autre. Les vampires prennent peur et s'enfuient les uns après les autres. Seul Dracul reste sur place. Il est terrifié et s’agenouille pour implorer la jeune vagabonde.

— Je t'en prie, dit-il. Je te donnerai tout ce que tu veux.

Hélène soulève la hache haut dans le ciel et découpe la tête du mutant aux dents longues. Il ne lui reste plus qu'à libérer les prisonniers à l'étage supérieur. Tous sont enfermés individuellement dans des cages en bois avec suffisamment de nourriture et d'eau pour rester en vie. L’immortelle ouvre les cagibis les uns après les autres. Les prisonniers la remercient mais prennent de suite leurs jambes à leur cou. Elle arrive ensuite au réduit de Stesara et l'ouvre.

— Enfin, je te retrouve, dit Hélène essoufflée.

— Je te reconnais, dit-elle. Tu étais avec mon père l'autre jour. Mais il t'a jetée de la fenêtre.

— Bingo ! Il va m'entendre à ce sujet ! Tu permets que je termine ton repas, j'ai la dalle.

Hélène entre dans la cage et dévore le repas que Stesara avait à peine entamé.

— Il faut partir, dit Stesara. Les gens qui m'ont kidnappée sont fous. Ils veulent que je mange pour que mon sang soit meilleur.

— T'inquiètes. Je me suis occupée d'eux.

— C'est pour ça que tu as du sang partout sur toi ?

— Évidemment ! Je m'étale pas du sang sur les fringues par plaisir. Bon, qu'est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu voulais pas quitter le Palais.

— Un homme a essayé de me violer. Je l'ai frappé si fort qu'il s'est évanoui. Je me suis ensuite enfuie. Mais alors que je dormais, y a ce vampire qui m'a enlevée et amenée ici.

— Tu vois que tu aurais dû nous suivre !

— Oui, dit-elle en sanglot. Je suis tellement désolée.

— Passons ! Allons plutôt retrouver ton père.

— Où est-il ? La Reine m'a dit qu'il s'était évadé.

— Ouais, je suis au courant. Je crois qu'il s'est fourré dans de beaux draps.

— Dans des draps ?

— Laisse tomber ! Il a rejoint le groupe des extrémistes. On va essayer de le rejoindre.

Hélène termine son repas en compagnie de Stesara. Elles quittent l'immeuble des vampires et vont maintenant devoir trouver, avant les soldats de la Reine, où se cachent les membres du Nouvel Ordre.