Les Préparatifs

Aldan, qui surveille les remparts de la cité d'argent, remarque de suite le véhicule de l'armée royale devant lui. Il poste des soldats prêts à tirer. Tollen descend de la voiture, les mains en l'air.

— Nous ne sommes pas vos ennemis crie-t-il. Nous voulons vous prévenir que l'armée de Sylbras s’est mise en marche vers ici. Elle sera là d'ici une semaine.

— Vous êtes des soldats ? demande Aldan.

— Non ! Nous avons vaincu une petite troupe de soldats et leur avons volé leur véhicule. Nous voulons vous aider. Nous avons un moyen de tuer Sylbras.

— Pourquoi vous croirai-je ?

— Ma fille est née sans mutation.

Une humaine monte sur les remparts et reconnaît de suite Stesara.

— C'est Stesara ! s'exclame-t-elle. Elle est bien comme nous mais elle a tué l'un des nôtres.

Stesara sort de la voiture et crie.

— Je ne faisais que me défendre. Il a essayé de me violer...

— Je pense que vous devriez partir, dit Aldan.

— Nous avons également une petite fille de quatre ans qui n'a pas de mutation. Laissez-la au moins rentrer. On lui a promis de lui trouver un refuge.

Aldan remarque effectivement une fillette dans la voiture.

— Comme tu l'as dit, répond Aldan, l'armée de Sylbras vient par ici. Elle n'y sera pas en sécurité.

— On s'occupe de l'armée, dit-il. Protégez juste la fille.

Aldan s'adresse alors à Richan.

— Toi qui conduis la voiture, sors.

Richan sort, les mains levées.

— Tu es le scientifique de Sylbras si je ne me trompe ?

— J'étais, répond Richan. Il me traque également désormais. Comme je le connais le mieux, j'ai créé une arme spécialement conçue pour le tuer.

Aldan fait signe à ses hommes d'ouvrir la porte. Les humains d'Eden s'étonnent de ce choix. L'humaine aux côtés d'Aldan s'écrie alors :

— On ne peut pas les laisser entrer. Ce sont des mutants !

Aldan ne répond pas et descend à leur rencontre. L'équipe de Tollen entre dans Eden, encerclée par les hommes d'Aldan. La porte de la cité se referme derrière eux.

— Nous avons entendu l'appel du royaume, dit Tollen, Sylbras réunit tous ses hommes pour venir ici. On est peut-être votre seule chance de vous en sortir. En échange, on veut juste que vous permettiez à Lau de vivre ici en sécurité.

Un humain s'adresse alors à Tollen.

— Très bien ! Aidez-nous à tuer Sylbras et l’on s'occupera de la petite. Si elle est des nôtres, on accepte. Par contre, aucun mutant : vous devrez partir.

Stesara s'emporte alors.

— Le monde de demain est à construire, dit la jeune fille. On peut tuer Sylbras. Mais après ? Est-ce qu'on va laisser encore un monarque anti ou pro mutant prendre le pouvoir ? Non. Il va falloir que nous vivions ensemble, en paix et sur un pied d'égalité.

— Eden a besoin de monde, continue Aldan. Prouvez-nous que vous êtes de notre côté et vous serez les bienvenus ici.

— Quoi ? s'étonne l'humain.

Les hommes d'Aldan accompagnent Tollen et son équipe vers un logement dans lequel ils pourront se reposer. Par mesure de précautions, leur arme a été confisquée et un homme se poste devant l'entrée de leur demeure.

Le lendemain matin, Aldan entre dans leur appartement et s'assoit à la table du salon.

— Parlez-moi de cette arme.

Richan s'assoit en face de lui.

— J'espère que vous êtes ouvert d'esprit, annonce le scientifique.

— Je vous écoute, répond Aldan.

— Avec l'aide d'une colonie d'humains non mutants installés sur la Lune, j'ai pu construire un émetteur à protons. Cette arme fera entrer Sylbras en état de fission nucléaire. Il mourra malgré son immortalité. Cela causera une explosion telle que toute son armée sera également tuée.

— Des humains sur la Lune ?

Richan pose sa petite radio et contacte le commandant.

— Ici Rubston, j'écoute.

— Je suis avec le représentant des habitants d'Eden, dit Richan.

— Je vois ! Enchanté ! Je suis le commandant Rubston, représentant de la colonie lunaire. Je suis content de savoir qu'Eden est debout. Quelle est sa taille ?

— A peu près trois cents hectares.

— Seulement ? s'étonne le commandant. D'après les estimations, elle devrait faire au moins dix mille hectares.

— Il y a eu une guerre ici, il y a plusieurs siècles. Les réacteurs nucléaires d'Eden ont explosé.

— Je comprends mieux. 

— Pensez-vous toujours qu'Eden peut tenir face à une armée ? demande Richan.

— Difficile à dire. Vous pensez être attaqués ?

— Le roi immortel se rapproche d’ici avec son armée.

— Je vois . Il ne faut pas laisser Eden dans ses mains. Le centre de communication est-il toujours debout ?

— La tour radio ? demande Aldan. Oui.

— Si vous la remettez en marche, nous pourrons nous connecter à vos systèmes. Nous pourrons alors nous entraider.

— Nous n'avons besoin de personne.

— Ne vous inquiétez pas ! Il n'est pas question de prendre le contrôle d'Eden. La Cité a sa propre conscience et ne laissera personne de l'extérieur lui dicter ses ordres. Si l’on se connecte, on pourra faire un état des lieux. On pourra également calibrer notre canon d'antimatière pour vous venir en aide. Il vous suffira de viser le centre de l'armée, on lancera l’attaque. Vu l'énergie que cela demande, nous ne pourrons le faire qu'une fois.

— Pourquoi nous aideriez-vous ? demande Aldan.

— On ne tient pas à ce qu'un roi qui persécutent les non-mutants règne sur ce monde.

— Bien, dit Aldan ! J'accepte votre aide. Je suis conscient que sans vous, nous courons vers notre perte. Je lève vos restrictions ; vous pouvez récupérer vos armes et visiter notre cité.

Aldan et Richan se dirigent vers le centre de communication.

Stesara, Toba et Lau se promènent dans les rues d'Eden.

— Tout ce métal, dit Toba, c'est incroyable. Mais ça donne une atmosphère très froide.

Une vielle femme vient à la rencontre de Stesara.

— Jeune fille, lui dit-elle en lui tenant les épaules. Je suis contente que tu sois saine et sauve. Je n'ai jamais apprécié les méthodes de Venea pour repeupler le monde de non-mutants. Je comprends ton geste. Si ce n'est pas le cas des autres, laisse-moi leur parler, ils t'accepteront.

— Merci beaucoup, dit Stesara reconnaissante.

— Et toi, ma petite, dit la vieille dame à Lau, est-ce que tu accepterais de me suivre pour laisser les tourtereaux ensemble ? J'ai trouvé quelques jouets qui pourraient t'intéresser.

Lau regarde Stesara comme si elle lui demandait sa permission. Cette dernière acquiesce d'un sourire et Lau suit la vieille dame.

— Si les humains d'ici nous acceptent, dit Toba, on pourra être heureux.

— Tu ne veux plus rentrer au village ? demande Stesara

— Je veux sauver nos amis bien sûr. Mais je veux surtout rester avec toi, répond Toba.

Les deux amoureux s'enlacent.

De leur côté, Tollen et Hélène sont restés à l'appartement.

— On ne t'a pas beaucoup entendu, dit Tollen. Que penses-tu de cet Aldan ?

— J'ai l'impression de l'avoir déjà vu. Mais il y a genre deux cents ans. C'est dingue, non ?

— Tu penses aussi que c'est un immortel ?

— Non, mais il me rappelle une vieille légende à propos d'un guerrier qui a combattu aux côtés de Danfrea. Il aurait chassé une armée d'affamés qui vivait ici en nombre à l'époque. Grâce à ça, Danfrea a pu fonder Queen City.

— Ce qui est sûr, dit Tollen, c'est que lui et ses hommes ont l'air redoutable. J'ai bon espoir de remporter cette guerre.

— En attendant de se battre, dit Hélène, si l’on profitait d'être seul et d'avoir un vrai lit ?

Hélène commence à embrasser Tollen.

Depuis le centre de communication, Rubston a désormais accès aux informations d'Eden.

— Bon sang, dit le commandant, après avoir récupéré des données sur la cité. Vous êtes  Aldan ?

— Oui, dit-il.

— Pardon ? demande Richan.

— Je peux lui dire ? demande le commandant.