La chasse est ouverte

Une patrouille est envoyée par Sylbras repérer d'où vient la source d’émission radio. Celle-ci, constituée de cinq soldats à cheval, s'arrête non loin de la cité d'argent.

— J'ai jamais rien vu de tel, dit l'un d’entre eux. Ça doit dater de l'ancien monde.

— Il y a bien une grande tour radio à l'arrière, dit un autre. C'est sûrement là que se cachent les humains. On prévient le roi ?

— Non pas encore, ajoute le premier. On doit en avoir le cœur net. Allons voir.

— Tu rigoles ? s'étonne un troisième. Et si c'était bien là ?

— Tu as peur d'un groupe d'humains sans mutation ?

— Il paraît qu'ils sont escortés par les soldats d'élite de Venea.

— Bien sûr qu'ils sont escortés, continue le cinquième. C'est pas eux qui ont tué les miliciens.

— Bon, ça suffit ! s'emporte le premier. On appellera des renforts si besoin. Imaginez les unités qu'on va se faire si on attrape ces humains...

L’escouade s'avance vers les portes d'Eden et aperçoit Aldan faisant sa ronde sur les remparts.

— Regardez ! dit un soldat apeuré. C'est Aldan la terreur !

— Qu'est-ce que c'est que ce surnom débile ? demande le premier soldat.

— C'était le bras droit de Venea. Paraît qu'il a tué cent insatiables à lui seul.

— Et à main nue ! continue un second.

— Vous croyez pas que c'est un peu exagéré ? demande le premier. Allons-y !

Voyant que ses coéquipiers ne le suivent pas, il se fait une raison et s'arrête. Il sort alors un petit talkie et appelle des renforts :

«Ici la patrouille Bêta. On a localisé les humains non-mutants dans une sorte de forteresse d'acier de l'ancien monde. Ils sont escortés par Aldan et ses hommes. On a besoin de renfort sur notre position : 63°30'22''N 38°23'6''E.»

A Queen City, Sylbras intercepte la demande de renfort. Il se réjouit que ses hommes aient repéré les protégés de Venea.

Une heure plus tard, les patrouilles en mission pour localiser l'antenne radio se retrouvent sur la position indiquée. Au total, dix groupes de cinq soldats patrouillent dans les alentours. C'est donc cinquante hommes qui se tiennent prêts à envahir Eden. Les soldats s'avancent devant les portes du refuge des derniers humains. Aldan aperçoit l'armée et fait signe à ses hommes de veiller au grain. Cinq se postent sur les remparts prêts à tirer au fusil. Quant aux autres, ils se positionnent, bouclier en main devant l'unique porte d'entrée.

— Aldan, c'est bien ça ? demande le premier soldat à avoir trouvé Eden. Donne-nous les humains sans faire d'histoire. Et notre roi Sylbras te pardonnera peut-être ta trahison.

— Je n'ai trahi personne, répond le leader des mercenaires. Ma seule et unique Reine est Venea.

— Venea est de l'histoire ancienne. Vous ne résisterez pas longtemps dans votre petite ville fortifiée.

— C'est ce que nous verrons !

Un soldat de Sylbras sort un lance-roquette et tire une salve sur l'entrée d'Eden. L'explosion n'ouvre aucune brèche mais fait trembler les remparts. Le système de sécurité de la cité se met alors en route. Des dizaines de tourelles laser sortent des murs et tirent sur l'envahisseur.

— À couvert ! crie un soldat du royaume.

Une dizaine succombent face aux tirs. Les autres parviennent à se réfugier derrière un rocher.

— Merde ! crie un soldat. On n’est pas de taille face à ce genre de défense. Faut qu'on se replie.

Aldan, de son côté, ne compte pas en rester là. Il ordonne à ses hommes postés devant la porte de le suivre. Ils vont terminer le travail. La petite troupe d'Eden s'avance vers le rocher et envoie derrière une grenade. Trois ennemis sont grièvement blessés ; les survivants ripostent et tirent à vue. Les hommes d'Aldan se protègent derrière leur bouclier et avancent de plus bel vers l'ennemi. Une fois à portée, la bataille reprend mais cette fois au corps-à-corps.

A l'intérieur des fortifications de la cité d'argent, le groupe d'humains s'en prend à Jada et Epher.

— C'est de votre faute si on est attaqué ! s'irrite un humain.

— Je ne pensais pas qu'ils nous retrouveraient, s'excuse Jada en larmes.

Epher la console en posant son bras autour d'elle.

— On devait essayer, dit Epher. On doit encore compter des alliés au sein du royaume. Ils doivent reprendre espoir et se liguer contre Sylbras.

Un homme lance alors son poing dans la figure d'Epher.

— Pauvre crétin, dit-il. On n’a plus d'alliés. Qui aurait envie de remettre une femme sans mutation sur le trône ? Notre royaume a longtemps persécuté les mutants. Ils sont tous contents de voir Sylbras à sa tête maintenant. On doit s'estimer heureux que des soldats nous protègent et qu'ils nous aient amené ici ! Mais vous avez tout fichu en l'air !

— On ne peut pas vivre éternellement ici, crie Jada. Entre ses murs froids d'acier.

— Si ça ne te plaît pas, dit une vieille femme, tu n'as qu'à partir. Personne ne te retient.

— Mais je suis l'héritière légitime de Venea.

— Quand comprendras-tu que tu n'es plus rien ? ajoute la femme âgée. On a l'opportunité de créer une nouvelle société ici à Eden, sans Roi ni Reine. Soit tu t'y fais, soit tu pars !

Jada court se réfugier dans son appartement. Epher la suit de près.

Sur le champ de bataille, Aldan exécute le dernier survivant de la patrouille de Sylbras. Alors qu'il rampe à terre, blessé et épuisé, Aldan plante son épée dans son dos. La victoire lui appartient, à lui et à ses hommes. Celle-ci aurait été écrasante si seulement l’un des soldats d'Eden n'avait pas péri. La troupe, fatiguée, ramène le corps de leur ami à l'intérieur de la forteresse. Les blessés pansent leurs plaies ; les autres enterrent les cadavres de leurs victimes. Les humains vont à la rencontre d'Aldan.

— Vous les avez tous eus ? demande un jeune homme.

— Oui, répond le leader.

— Merci, implore une femme. Vous nous avez encore sauvés.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, continue Aldan. Il en viendra sûrement d'autres et en plus grand nombre...

— Nous devons partir alors ?

— Non ! Eden est notre seule chance de survie. A l'extérieur, c'est une mort assurée qui vous attend.

— Vous pensez que les murs tiendront face à une armée entière ?

— Nous verrons bien.

— C'est n'importe quoi, dit un autre. Nous ferions mieux de partir le plus loin d'ici.

— Nous n'avons plus de carburant pour le bus, explique Aldan. A pied, nous n'irions pas loin et nous serions à découvert. Sylbras nous tuera facilement. Ici, il nous aura peut-être mais non sans mal. Dès demain, lorsque mes hommes seront reposés, ils vous entraîneront. Vous apprendrez à tirer du haut de ses murs pour protéger la cité. Nous nous battrons jusqu'à la victoire ou bien jusqu'à la mort !

Aldan quitte le groupe et va se reposer dans ses quartiers.

Depuis la capitale, Sylbras attend des nouvelles de ses hommes.

— C'est bien trop long, dit-il à Phia. Demande-leur un compte rendu.

Phia attrape la radio : «Ici le commandant Phia, répondez ! Avez-vous récupéré les humains ?»

Personne ne répond.

— D'après ce que je sais, explique Phia, Aldan et ses hommes sont les soldats les plus expérimentés du royaume. Ils ont dû venir à bout de nos hommes.

— Merde ! s'énerve Sylbras. Qui est cet Aldan ? Pourquoi reste-t-il fidèle à Venea et aux humains non-mutants ?

— Ce qui est étrange, c'est qu'il n'y a aucune information concernant son passé. On ne sait même pas quelle est sa mutation et s'il est vraiment mutant. C'est comme s'il n'avait jamais existé, un fantôme...

— Je vais m'occuper personnellement de son cas. Rappelle tous nos hommes et prépare-les à partir dès que possible.